Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
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Déchéance de nationalité : les calculs politiciens cyniques s’inscrivent dans le choix de faire le lit du racisme pour fracturer la société française. S’indigner mais surtout riposter, ensemble, dans la lutte des classes.

janvier 2016, par Saint Martin d’Hères

Hollande et Valls, avec l’extension des cas de déchéance de la nationalité française, mais aussi Bartolone, avec son récent dérapage sur la « race blanche », font le lit du racisme et de la xénophobie. Ce sont des mots lourds mais ce sont les mots qui conviennent.

Les calculs politiciens bien réels, à court terme pour les élections régionales (conserver des régions en dopant le vote FN) ou à moyen terme en vue de renforcer la diversion FN et de favoriser une certaine recomposition de la « gauche » d’ici 2017, infâmes en eux-mêmes, ne doivent pas cacher la cohérence d’ensemble des discours des plus hauts dirigeants du pays. Avec la déchéance de nationalité, il s’agit, sous couvert de s’occuper de quelques cas exceptionnels, de montrer du doigt une composante supposée de la population, de renforcer voire créer des identifications collectives, de fracturer la société française pour mieux réserver la domination patronale et capitaliste.

L’indignation devant ce tels propos, devant leur grossièreté voulue, est spontanée chez beaucoup, notamment chez nous communistes.

Bartolone à son meeting électoral du 10 décembre, assimilait ceux de « race blanche » aux riches de Neuilly et Versailles dont sa concurrente Pécresse serait la candidate. Ce dérapage voulu, puisqu’assumé par son auteur, n’a pas eu le résultat électoral recherché, au contraire. Il a fait voter pour Pécresse une frange qui s’est sentie atteinte. Si le but était de capter des électeurs issus de l’immigration, ça été raté aussi. Comment voter pour quelqu’un qui a une conception raciale de la société ? Ces propos auraient dû être comdamnés !

De même, le 16 novembre, à Versailles à la réunion en congrès des députés et des sénateurs, pas un seul orateur, même à gauche, ne s’est offusqué des annonces de Hollande sur la déchéance de nationalité : tous se sont rangés dans l’unité nationale et l’état d’urgence derrière Hollande. Aujourd’hui, certains, s’inquiètent devant la prolongation et la constitutionnalisation de l’état d’urgence, devant l’extension des cas de déchéances de nationalité, après les annonces de Valls du 23 décembre. Nous disons : « mieux vaut tard que jamais ».

Après l’indignation, vient le temps de la dénonciation. Celle-ci est nécessaire. Mais elle ne suffit pas sous peine notamment de rentrer dans des combinaisons politiques stériles, induites et même recherchées, par la campagne idéologique gouvernementale.

D’abord, évacuons quelques faux débats.

Valls le dit lui-même : l’extension des cas de déchéance de nationalité est avant tout « symbolique ». Elle ne sert à rien dans la lutte contre le terrorisme. En effet, on se demande bien en quoi la perspective d’être privé de la nationalité français pourrait dissuader un assassin prêt à une attaque suicide. Par ailleurs, la plupart des auteurs présumés des attentats du 13 novembre ne possédaient pas de bi-nationalité, sinon franco-belge. Profitant du contexte des attentats, Valls reprend en réalité en 2015 une opération idéologique déjà portée par Sarkozy en 2010, après le débat imposée sur « l’identité nationale ». A l’époque, Sarkozy avançait la déchéance de nationalité dans le cadre d’une « guerre contre la délinquance », assimilant alors personnes issues de l’immigration (et gens du voyage en l’occurrence) à délinquants. La seule différence avec aujourd’hui tient à ce que Hollande et Valls sont officiellement de « gauche ».

Un autre débat ne soit pas être mélangé avec la campagne idéologique du moment : le principe de la bi-, multi-nationalité. Au fil du temps, la France a signé des conventions avec d’autres pays qui maintiennent réciproquement aux naturalisés leur nationalité d’origine, parfois avec des pays qui appliquent le droit du sang et non le droit du sol et qui revendiquent comme leurs citoyens des descendants d’immigrés en France. L’évolution de cette situation peut être légitimement discutée. Mais cela n’a rien à voir avec la disposition présente du gouvernement français concernant les « terroristes ».

S’il y avait eu une double nationalité franco-allemande en 1914, on aurait pu imaginer que les personnes concernées aient été contraintes d’opter pour l’une ou l’autre. Mais nous ne sommes pas en temps de guerre contre un pays dont des binationaux sont ressortissants. Il est inacceptable que les autorités françaises considèrent qu’un assassin terroriste franco-marocain, par exemple, doivent être refilé au Maroc ! Quant à l’affirmation d’un attachement à un autre pays que la France, d’un soutien à la politique d’un autre pays, cela fait partie de la liberté d’opinion de chacun. Quand Manuel Valls fait allégeance à une puissance étrangère qui ne respecte pas le droit international, en l’occurrence Israël, nous dénonçons et combattons ses positions, d’autant plus qu’il est premier ministre, mais il ne vient à l’idée de personne (sauf des Le Pen !) de remettre en cause sa naturalisation française.

Avec l’extension de la déchéance de nationalité, dans le contexte, le pouvoir cherche à jeter une suspicion générale, dans la majorité de la population, à l’encontre des Français d’origine étrangère, binationaux ou non, des étrangers vivants en France. Sont visés, avant tout, ceux qui sont originaires des pays où la religion musulmane est dominante. Parmi les Français, il y en aurait des bons et des moins bons suivant leur origine. Ces derniers étant invités à manifester leur loyauté. S’il voulait les éloigner, notamment ceux qui sont dans les situations sociales les plus difficiles, de la vie en commun dans la société française, les renvoyer à tel ou tel élément identitaire, le pouvoir ne ferait pas mieux. Plus les Hollande, Valls ou Bartolone parlent des « valeurs de la République », de la « communauté nationale », plus ils les détruisent. Quelle hypocrisie et quel danger !

Les objectifs politiciens immédiats sont limpides. La mesure du pouvoir banalise, légitime ceux qui l’ont le plus tôt et le plus bruyamment défendue. Les dirigeants du PS viennent de scandaleusement servir la soupe au FN avant les régionales. D’ici les présidentielles de 2017, la focalisation du débat sur le FN, ses positions anti-immigrés est le moyen à la fois d’écraser la contestation de la politique économique et sociale du pouvoir et de garantir un vote « utile », en réalité un vote par défaut contre le pire, pour un de tenants directs des intérêts des puissances d’argent.

Au-delà, le développement du germe de la division à tous les niveaux de la société, parmi les exploités, profite au système capitaliste qui en est l’instigateur. En même temps que nous dénonçons les mesures qui font le lit du racisme, de façon indissociable, nous devons intensifier et élargir la lutte contre toute sa politique.

On commence à voir comment la question de la déchéance de nationalité et celle de la constitutionnalisation de l’état d’urgence, la focalisation du débat public sur elles, préparent également le terrain à une recomposition politique à gauche. C’est sans doute un des objectifs du pouvoir. Après l’incorporation générale dans l’union nationale suite aux attentats du 13 novembre, maintenant, des voix plus nombreuses s’élèvent de la « gauche de la gauche », des « écologistes », du PS pour se désolidariser de Valls sur ces questions. Les débats parlementaires dans chaque chambre puis en congrès à Versailles, à partir du 3 février 2016 vont occuper l’opinion et aboutir à davantage de vote contre. Que l’on ne compte pas sur nous, communistes, pour y voir la perspective d’une quelconque matérialisation d’une nouvelle alternative « unitaire » à gauche d’ici 2017. Ceux qui voteront contre auront raison. Mais notre approbation se limitera à ça. Les « frondeurs » viennent de voter massivement le budget antisocial pour 2016. EELV est plus européiste que jamais … quant à faire passer Anne Hidalgo, complice et héritière du social-libéralisme à Paris comme une égérie de gauche, comme le font plusieurs organes de presse ces derniers temps, c’est risible (d’autant plus pour mes camarades et moi qui l’affrontons dans le 15ème depuis son parachutage en politique).

Communistes, il est nécessaire pour nous de dénoncer l’opération du gouvernement sous tous ses aspects. Cet effort, face à une idéologie dominante qui a rarement été aussi dominante, ne saurait nous détourner, au contraire, de la riposte essentielle : l’élévation du niveau de conscience des luttes, leur extension avec toutes les composantes du peuple et du monde du travail, d’où qu’ils soient originaires, pour défendre les acquis sociaux et démocratiques gagnés historiquement dans notre pays par son peuple et ses travailleurs, d’où qu’ils soient venus.

Voir en ligne : lire notre texte à Grenoble le 30 juillet 2010 Sarkozy amalgame « immigration » et « délinquance » et réclame la déchéance de la nationalité française de certains délinquants « d’origine étrangère »