Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
Accueil du site > Notes de lecture et textes historiques > « De l’Indochine coloniale au Vietnam libre » par Albert Clavier

« De l’Indochine coloniale au Vietnam libre » par Albert Clavier

mars 2010, par Saint Martin d’Hères

Nous vous recommandons la lecture passionnante du livre autobiographique de notre camarade Albert Clavier qui vient de se rattacher à notre section. Son parcours de communiste est singulier.

Engagé, au plus jeune âge, par erreur puis malgré lui, dans le corps expéditionnaire en Indochine, il prend conscience de l’injustice et de l’horreur de la guerre coloniale. Le Viet-Minh rentre par hasard en contact avec lui et découvre un anticolonialiste, un communiste.

Albert Clavier fait ensuite le choix hautement conséquent d’accepter de rejoindre la résistance, l’armée populaire. Ce qui le conduit à être un témoin et un acteur, dans des conditions très difficiles, de la guerre d’Indochine de l’autre côté, du bon côté, avec les expériences humaines et politiques extraordinaires que cela a représenté. Il apprend même le vietnamien dans les montagnes.

Là-bas, il se trouve dans une situation quasi unique pour mettre en pratique la ligne du PCF telle qu’Henri Martin, d’une autre façon, l’a si courageusement personnifiée.

Après 1954, interdit de retour en France (condamné à mort par contumace), il reste au Viêt-Nam libre, assiste et participe à l’essor, contrarié par la pression étrangère, de l’Etat socialiste au nord. Intégré au parti, il est témoin de l’intérieur de la lutte d’influences et de l’offensive maoïste qui l’atteignent dans les années 60.

Puis il est amnistié et rentre en France puis part en Hongrie, autre volet d’une position peu commune d’observateur des expériences socialistes du 20ème siècle.

Fort de cet engagement, Albert Clavier continue inlassablement, depuis son retour en France, à défendre l’existence de notre grand parti dont sa vie a illustré, dans une position très spéciale, certains des plus beaux combats.

Nous reproduisons ci-dessous l’article de l’historien Alain Ruscio consacré au livre d’Albert, publié dans l’Humanité du 18 octobre 2008.

« De l’Indochine coloniale au Vietnam libre. Je ne regrette rien », d’Albert Clavier, Éditions Les Indes Savantes, 2008, 208 pages, 23 euros.

Voilà un parcours clairement décrit… et fièrement revendiqué ! Albert Clavier a lié sa vie (au point, parfois, souvent, de la risquer) au combat du peuple vietnamien, il y a plus d’un demi-siècle.

Jeune, à dix-huit ans, il s’engage, en 1945, dans l’armée, sans trop, à vrai dire y avoir réfléchi. 1945 : fin d’une guerre, celle menée victorieusement contre le nazisme ; mais aussi début d’une autre, que le colonialisme français va imposer aux peuples d’Indochine.

Et, très vite, notre soldat bien peu motivé va comprendre que ce conflit-là n’est pas le sien. Contrairement à bien d’autres, il s’interroge, il cherche à comprendre le Vietnam, il ouvre le dialogue avec des gens du peuple. Au point de commettre des imprudences : la sûreté risque de le repérer. En décembre 1949, il rejoint les rangs de l’armée populaire. « Déserteur » ?

L’auteur préfère mettre des guillemets : « Je ne trahis pas mon pays, ma patrie. Je l’aime et je suis fidèle à ses idéaux, liberté, égalité, fraternité, en soutenant la lutte de libération d’un peuple. » Commence alors une partie de sa vie dont le récit, pour le lecteur, pour l’historien, est la plus captivante.

Car ce témoin partage tous les combats, toutes les aspirations des maquisards, mais aussi toutes leurs souffrances, leur vie rudimentaire. Albert Clavier décrit remarquablement bien le climat politique qui régnait alors dans les rangs du viêt-minh : confiance en la victoire, fraternité vraie, égalité, parfois égalitarisme, entre les hommes. Sans masquer cependant la méfiance, çà et là, de la part de cadres hostiles, voyant des traîtres partout.

Le livre montre également la montée en puissance de la lutte, passant de la guérilla à l’organisation d’unités aguerries, jusqu’à l’assaut final de Dien Bien Phu. L’auteur précise d’ailleurs qu’il s’est toujours refusé à participer aux combats -et, d’ailleurs, les Vietnamiens n’avaient ni le besoin, ni la volonté de le lui demander -, ne voulant en aucun cas tirer sur ses compatriotes. Que faire alors ? Il participe à la propagande en direction des soldats du corps expéditionnaire, notamment en étant l’un des voix françaises de la radio.

Puis, après Diên Biên Phu et l’arrivée à Hanoi commencent dix années tout aussi intéressantes, mais bien moins exaltantes. C’est alors le quotidien d’un socialisme en construction que Clavier nous décrit. Avec, là encore, une sincérité qui ne cache rien. L’épisode de la maoïsation du Parti vietnamien, qui aboutit à des méfiances détestables, est par exemple décrit. Saluons au passage le portrait de Duong Bac Mai, un grand militant justement réhabilité, victime de cette maoïsation.

Albert Clavier, qui ne peut supporter cette évolution, est isolé. En 1963, dépité, il quitte cette terre du Vietnam où il vient de passer ses meilleures années. Le reste n’est pas moins intéressant, mais sans conteste moins spectaculaire : une permanence au siège de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, à Budapest, un travail particulier, à Interagra, dans les affaires avec le monde socialiste d’alors. C’est pourtant, encore et toujours, au Vietnam que sont consacrées les dernières pages du livre. Malgré les cicatrices du passé, malgré les incertitudes du présent (le maoïsme égalitariste est bien loin…), Albert Clavier observe sa seconde patrie et écrit : « Je ne regrette rien. »

Alain Ruscio, historien

P.-S.

Pour commander cet ouvrage auprés de l’editeur, contacter : MANTIENNE FREDERIC 01 40 41 01 53

06 80 75 76 00