Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
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1er mai suite : « La manifestation dans les urnes » vous y croyez, vous ?

mai 2011, par Saint Martin d’Hères

Le 1er mai a été l’occasion de faire le point de la situation politique avec beaucoup. Communistes, nous avons vendu le muguet dans les rues à des centaines de personnes. Nous l’avons porté à des dizaines de sympathisants. Les manifestations ont été un point de rencontre et d’échange avec beaucoup de militants et de camarades.

Objectivement, il y avait peu de monde dans les rues. Mais il y avait quand même bien 50 fois plus de manifestants dans les cortèges syndicaux qu’au rassemblement du FN qui a eu le droit, une nouvelle fois, à une indécente publicité.

Ce n’est pas parce que c’était dimanche et qu’il faisait beau que les défilés étaient peu fournis.

La colère sociale, la volonté de mettre en échec la politique du pouvoir sont intactes, peut-être plus fortes que jamais. Mais il se vérifie que l’enfermement de la perspective politique dans l’élection présidentielle de 2012 bloque les luttes.

On peut difficilement être plus clair que Martine Aubry pour l’illustrer. En marge de la manifestation de Lille, elle a déclaré aux journalistes : « on n’est pas obligé d’être dans la rue », « vivement 2012, on ira manifester dans les urnes ». D’une autre façon, Bernard Thibault renvoie aussi en 2012 en expliquant la faible mobilisation par la « posture de fermeté » de Sarkozy, « singulièrement sur le conflit des retraites ».

Oui, l’échec de la bataille des retraites est dans toutes les têtes. Par millions dans les rues, tant de journées successivement sans essoufflement, pour rien ! Il est plus que jamais indispensable d’en analyser les causes. Parmi elles, à côté d’une certaine conception de l’unité réductrice sur le contenu, à côté de la non-remise en cause de la casse des régimes spéciaux de 2007, figurait déjà la perspective renvoyée et limitée à 2012 par la plupart des organisations.

Comment rassembler les travailleurs pour la défense de la retraite à 60 ans avec un PS, une Martine Aubry qui est d’accord pour les 40, 41, 42 annuités ? Tant qu’elle prédomine, la perspective de l’alternance, du moindre mal en 2012 bloque toutes les luttes. Comme pour les retraites, un rapport de force considérable existait (existe) pour défendre La Poste. Mais les initiateurs de la « votation pour la Poste » en 2009 se sont refusés à attaquer le volet de la loi qui étendait la concurrence à toute l’activité courrier, à remettre en cause l’application des directives européennes, approuvées par le PS. L’initiative n’a pas aidé à la mobilisation, décisive, des postiers, à la convergence avec les luttes des autres services publics. En lui-même déjà, le principe de « votation » renvoyait aux échéances électorales.

Pour nous communistes, le niveau des luttes est déterminant pour faire reculer la politique au service du capital tout de suite sans attendre 2012.

Nous refusons le scénario qui laisse encore un an au pouvoir sarkozyste pour parachever ses contre-réformes structurelles avant éventuellement de passer la main à un Papandréou ou à un Zapatero à la française. Nous ne pouvons pas laisser l’idéologie dominante détourner la colère sociale vers le vote FN en 2012, repoussoir destiné à mieux faire accepter le consensus droite/PS sur les questions économiques et sociales principales.

Plus que jamais, notre parti doit être un point de résistance, complètement à contre-courant, donner une autre perspective, mettre en avant des positions de rupture qui alimentent la lutte des classes tout de suite, lancer lui-même de grandes campagnes nationales de lutte.

Dans cette situation, on mesure d’autant plus la gravité du choix du « Front de gauche », imposé aux communistes, comment il détourne le PCF de sa raison d’être.

Aussi lamentablement que dans les autres partis, le Front de gauche ne vit que pour et par les élections : européennes, régionales, cantonales (avec des résultats peu probants) maintenant 2012. Voilà six mois que sa préoccupation est la désignation du candidat à la présidentielle, plus exactement de voir comment imposer aux communistes le nom de Jean-Luc Mélenchon. Pendant ce temps, le marchandage a commencé entre partenaires du Front de gauche pour la répartition des candidatures aux législatives…

Pierre Laurent donne la perspective politique du Front de gauche : « peser à gauche sur l’ensemble de la gauche ». Un programme de gouvernement est implicitement en négociation avec le PS. Il faudrait « peser » plus lourd que les écologistes. 1981, 1997, on a déjà donné ! Le « programme partagé du Front de gauche », élaboré sans les communistes, sans même que nous ayons décidé de notre propre programme, rentre dans ce cadre et veut être un programme pour « toute la gauche ».

Non ! L’exigence impérieuse pour les communistes, c’est de mettre en avant des positions de rupture dont les luttes ont besoin pour déboucher. Il se trouve qu’elles sont incompatibles avec celles du PS. Les orientations du PS, qui sont les mêmes dans la version Strauss-Kahn, Aubry ou Hollande, ne sont pas « timides » : ce n’est pas qu’elles « n’aillent pas assez loin », c’est qu’elles vont dans le mauvais sens. Prétendre « tirer à gauche » la social-démocratie, cela revient à s’aligner derrière elle, à canaliser vers des choix qui obstruent la perspective du mouvement social.

L’ampleur du consensus droite/PS se révèle sur l’Europe où se manifeste la loyauté de la social-démocratie envers le capital. Dans le même temps, le rejet de l’UE grandit dans chaque pays et notamment en France. S’il y a bien une question sur laquelle les communistes doivent être à l’offensive, c’est bien celle-là en poursuivant l’engagement historique du PCF contre l’Europe supranationale du capital. Tout au contraire, le Front de gauche, suivant le Parti de la gauche européenne, entame un travail de re-légitimation de l’intégration européenne, de l’UE, de l’euro, au nom du leurre de l’Europe sociale que porte aussi le PS. Ainsi, en centrant ses attaques sur le « Pacte pour l’euro » (et non sur « l’euro pour le Pacte » voir nos précédentes analyses), le Front de gauche réussit à remettre le PS et la Confédération européenne des syndicats, promoteurs zélés du Traité de Lisbonne, dans le « bon camp ». Aberrant !

Tous les communistes sont en train de découvrir que le choix du Front de gauche, décidé par la direction du PCF, implique nécessairement le soutien à la candidature de Mélenchon à la présidentielle. Le tour est joué, voilà le PCF aligné derrière un socialiste, un Mitterrandien, un Maastrichien. Les rodomontades de Mélenchon, sa soudaine admiration pour Georges Marchais, ne sauraient tromper. Elles relèvent du « réformisme radical ». Là où Aubry dit « manifestation dans les urnes », Mélenchon crie « révolution dans les urnes » !

Dans la période, le PCF pourrait et devrait être à l’initiative de grandes luttes à contre-courant de la focalisation de la vie politique sur la présidentielle. Ce ne serait d’ailleurs pas la plus mauvaise façon de préparer les législatives de 2012.

Partout où la campagne de pétition est menée pour l’annulation des hausses du gaz et de l’électricité, elle rencontre un grand succès et le lien est facilement fait avec l’exigence de renationalisation intégrale d’EDF et de GDF, de reconquête des monopoles publics (il ne s’agit pas de se contenter de demander l’extension des tarifs sociaux !). Pour l’hôpital, les retraites, l’ensemble de la Sécurité sociale, alors que la loi Bachelot commence à sévir dans la pratique et que la loi Woerth doit commencer à s’appliquer au 1er juillet, une grande bataille est possible faisant le lien avec la défense du financement solidaire par la cotisation sociale. Idem pour l’école, la défense du statut de la fonction publique. Les luttes se multiplient pour les salaires. Elles pourraient converger dans un mouvement pour la hausse du SMIC à 1600 euros net, la reconnaissance des qualifications et le rétablissement d’une échelle mobile des salaires.

C’est sur tout cela, ignoré quasiment complètement des dernières réunions du CN, que le PCF devrait s’activer.

Les communistes doivent saisir la gravité de la situation du PCF. Elle est à la mesure de la gravité de la situation politique. Ce n’est pas un hasard si la direction du PCF les écarte de toutes les décisions, ne leur apporte même pas les éléments d’information.

Le Front de gauche, c’est la tentative de constitution d’une nouvelle formation social-démocrate « de gauche », occupant l’espace que le PS, par exemple avec DSK, ne peut plus entièrement tenir à lui seul. Le système a besoin d’un meilleur rabatteur à gauche que le NPA, plus influent aussi sur le monde syndical. Le Front de gauche, c’est l’effacement du PCF, sa « métamorphose » recherchée depuis tant d’années par les principaux dirigeants actuels du Parti mais refusée par les communistes.

Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire d’aller sur le fond des positions politiques et des axes stratégiques. Notre but ne peut pas être de maintenir, une plus ou moins vague et trompeuse, référence communiste dans le Front de gauche.

Notre obligation aujourd’hui est de défendre, de faire vivre et de renforcer le PCF sur des bases de classe. C’est dans cet objectif, dans le cadre de la consultation truquée organisée par la direction du PCF, qu’a été proposée collectivement la candidature d’Emmanuel Dang Tran. Cette initiative est de la plus haute importance pour l’avenir de notre Parti.