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Vœux présidentiels pour 2016 : Hollande réussira-t-il à figer le pays dans la « lutte contre le terrorisme » ? Les jours de Valls à Matignon sont-ils comptés ?

janvier 2016, par Saint Martin d’Hères

« Je vous dois la vérité, nous n’en avons pas terminé avec le terrorisme » a sorti François Hollande, dans ses vœux télévisés pour 2016. Traduisons : nous n’en avons pas fini, au nom de la « lutte contre le terrorisme », avec le matraquage à « l’unité nationale », avec les mesures de répression destinés à étouffer la contestation de la politique au service du capital, à détourner tout le débat politique vers les questions sécuritaires, dans l’immédiat sur l’extension de la déchéance de nationalité. Attendu sur ce point, Hollande a confirmé sa mise à l’ordre du jour dans sa « réforme » constitutionnelle qui doit être votée en février.

Toujours au nom du « terrorisme », Hollande a annoncé la poursuite des bombardements en Syrie et en Irak – ajouter la guerre à la guerre – soi-disant pour « agir à la racine du mal » comme si cette racine ne se trouvait pas aussi à Washington, Londres ou Paris dont les interventions impérialistes ont déstabilisé la région, dont les alliés ont subventionné Daesh et Al-Qaïda. Faisons le vœu pour 2016 que les négociations qui doivent avoir lieu à Genève fin janvier, dans le cadre d’un nouvel équilibre des forces en présence, aboutissent à un cessez-le-feu ouvrant la voie à un règlement politique.

L’émotion répandue sur les victimes des attentats, les déclamations guerrières ont permis à Hollande d’être encore plus évasif que les autres années sur les questions économiques et sociales.

Pour un peu, Hollande a quand même fini par rappeler que « la lutte contre le chômage reste sa première priorité » car « s’il y a un état d’urgence sécuritaire, il y a aussi un état d’urgence économique et social ».

Mais cette année, Hollande s’est senti autorisé à faire totalement l’impasse sur les mesures déjà engagées par son gouvernement malgré leur absence totale de résultat sur le chômage. Les années précédentes, nous avions eu le droit à des formules du genre : « nous sommes au milieu du gué. Continuez les sacrifices et la croissance et l’emploi viendront ». Rien de tel cette année !

Les 50 milliards d’euros par ans détournés vers le patronat avec le CICE et le pacte de responsabilité, le démantèlement de pans entiers de l’industrie accompagné par le gouvernement, la poursuite du processus de privatisation des services publics, les coupes sombres dans les budgets des hôpitaux etc. : pas un mot dans la bouche du président : avec les attentats, il escompte que la pilule passe toute seule. Pour le pays comme pour la gauche, Hollande veut que toutes ces mesures – qui pourtant ne font que « monter en puissance » – soient rangées dans les faits accomplis.

Hollande s’est contenté d’évoquer quelques nouveaux mauvais coups complémentaires pour 2016. Au programme, une sorte de loi Macron 2, sans que le nom du ministre soit mentionné, avec de nouvelles aides au patronat via les PME, une nouvelle casse du droit du travail (« simplification » du code du travail).

Hollande a invoqué son « union nationale » post-attentats pour justifier ses nouvelles mesures soi-disant pour l’emploi. Elles ont un point commun. L’extension de l’apprentissage (dans les conditions du Medef), « l’accompagnement de 500.000 chômeurs vers les métiers de demain » (quel euphémisme !), derrière les mots, signifient la mise à disposition du patronat d’une main d’œuvre d’appoint bon marché et totalement flexible car (sous-)payée par la collectivité. La « généralisation » annoncée du service civique, créé sous Sarkozy, va dans le même sens : le développement du travail gratuit, bientôt du travail obligatoire, accompagné d’un embrigadement des jeunes au nom du soi-disant « intérêt général ».

Outre la lutte contre le terrorisme, Hollande a invoqué d’autres « grandes causes » : la révolution numérique et surtout la COP 21 qui ouvre des possibilités inédites de détournement d’argent public vers le capitalisme « vert ».

S’il s’est gardé, cette année, de promettre du sang et des larmes économiques et sociales au pays, Hollande a été quand même été forcé d’aller contre l’opinion et les sondages sur un point décisif : l’attachement à l’Union européenne malgré « les insuffisances qu’elles à révélées ». Là encore pour sauver l’UE, Hollande évoque la patrie au nom de laquelle « nous avons bâti l’UE ». Et de défendre sa politique migratoire…

Les mots « unité nationale » et « patrie » ont été trop souvent assénés par Hollande pour ne pas couvrir au contraire une politique de division de la société. Hollande a mentionné les récents incidents d’Ajaccio mais seulement pour apporter le soutien de l’Etat aux religions.

La question de la déchéance de nationalité va obnubiler la vie politique au moins dans les deux mois à venir. Créer plusieurs catégories de Français, inspirer la méfiance des uns vis-à-vis des autres – la mise en scène de l’antiterrorisme déviant et exacerbant les tensions sociales -, repousser chacun vers des identités communautaires : les conséquences de ces annonces et de cette mesure sont évidente. Pourtant personne, Valls compris, ne nie qu’elle ne servira à rien contre le terrorisme qui la prétexte.

On notera au passage que Manuel Valls est la seule personne dont le Président ait cité le nom (à propos de l’instauration de l’état d’urgence).

Certains effets du débat sur la déchéance de nationalité, voulu par Hollande, sont évidents. D’autres sont plus incertains.

La question va servir de diversion aux problèmes économiques et sociaux et en particulier aux luttes des travailleurs.

Elle va continuer à profiter au FN. Le choix du gouvernement, mais aussi du système (voir les déclarations du Medef « contre » le FN), se confirme visant à polariser la vie politique, au moins d’ici 2017, sur l’extrême-droite et ses thématiques. L’absence, cette année, de toute mise en garde dans les vœux présidentiels contre « les extrêmes » sonne comme un aveu par omission.

Mais l’issue de la procédure parlementaire est moins sûre. Le projet de loi constitutionnelle sera vraisemblablement adopté avec l’appoint de voix de droite. La disposition sur la déchéance de nationalité sera peut-être invalidée par le Conseil constitutionnel (certains le savent certainement déjà). Mais toute l’attention se porte sur la proportion de parlementaires PS qui voteront contre. Les prises de position se multiplient dans ce sens, de plusieurs « tendances" du PS, par sincérité peut-être, pour ne pas froisser dans le cas de certains députés leur électorat issu de l’immigration, ou par pur opportunisme.

Si la moitié des parlementaires PS votaient contre, Valls ne pourrait pas rester en place. Hollande, lui, est couvert par son discours du 16 novembre au Congrès à Versailles où aucun des orateurs de gauche n’a contesté sa ligne, y compris sur l’extension de la déchéance de nationalité. En tout cas, la question est de nature à faire apparaître une opposition plus coordonnée à Valls dans le PS et à « gauche ».

D’ici 2017, le système a besoin de remettre en place une force d’alternance un peu plus marquée à gauche pour canaliser le mécontentement social à « gauche » étendre « l’offre politique » à son service. L’image de Valls, qui se confond avec celle des leaders de la droite dure, peut cesser d’être utile. Avec le « pacte de responsabilité », le CICE, la « réforme » ferroviaire, la « réforme » territoriale : les mesures les plus susceptibles de susciter de grandes mobilisations contre la politique du quinquennat sont déjà passées (ce qui ne nous empêchent pas de continuer à les combattre). La suite sur le droit du travail ou la fusion CGS/impôt sur le revenu est moins mobilisatrice et la « gauche » du PS pourrait l’assumer.

La social-démocratie ne met jamais ses œufs dans le même panier. Les « frondeurs » du PS ont pris date contre la loi Macron (sans empêcher son adoption). La loi Macron, ensemble fourre-tout de mesures en faveur du patronat, était globalement illisible et peu propre à déclencher un mouvement d’opposition populaire. En revanche, les « frondeurs » ont pratiquement tous voté le budget Valls pour 2016.

En vue d’un remaniement ministériel, d’un changement de gouvernement avant la fin du quinquennat, d’éventuelles « primaires » à gauche pour les présidentielles de 2017, une partie de la gauche se saisit de l’opportunité du débat sur la déchéance de nationalité pour se positionner à « gauche », se différencier de Valls et de la politique actuelle du gouvernement, sur une question de « valeur » et non sur les questions économiques et antisociales. Le programme de Hollande 2012 reste leur référence. En marge, d’autres politiciens se placent sur le même créneau, notamment l’ultralibéral européiste anticommuniste Daniel Cohn-Bendit, décidé à peser en 2016 sur la vie politique française.

Communistes, ne nous laissons pas embarquer dans cette nouvelle recomposition politique en perspective.

Contre la déchéance de nationalité, nous allons nous exprimer encore plus largement, face à cette mesure d’incitation à la xénophobie. Nous prendrons en positifs toutes les oppositions, qu’elles viennent même de Raffarin ou de Devedjian. Mais cette lutte (comme l’opposition à l’état d’urgence) ne saurait pour nous être déviée et instrumentalisée en vue notamment d’une trompeuse recomposition politique à gauche.

Si le point de vue et l’organisation communistes étaient forts, un politicien comme Hollande ne pourrait pas se permettre de biaiser et de manœuvrer comme dans ses vœux !

En 2016 : Priorité aux luttes, à l’affirmation de position de rupture dans les luttes et au renforcement du PCF sur des bases de classe !