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LE 8 FEVRIER 1962, MASSACRE AU METRO CHARONNE, SOUVENONS-NOUS !

février 2017, par Saint Martin d’Hères

Le combat contre l’extrême droite, le fascisme le nazisme sont des combats que les communistes ont toujours menés avec honneur et courage. Quelles qu’en aient été les conditions historiques parfois très dures dans lesquelles ils les ont menées. D’ailleurs l’extrême droite ne se trompe pas nous sommes son ennemi, comme elle est le nôtre.

L’appel à la manifestation du 8 février 1962 convoquée dans l’urgence après une série d’attentats à l’explosif !

Les assassins de l’OAS ont redoublé d’activité. Plusieurs fois dans la journée de mercredi, l’OAS a attenté à la vie de personnalités politiques, syndicales, universitaires, de la presse et des lettres. Des blessés sont à déplorer ; l’écrivain Pozner est dans un état grave. Une fillette de 4 ans est très grièvement atteinte. Il faut en finir avec ces agissements des tueurs Fascistes. Il faut imposer leur mise hors d’état de nuire. Les complicités et l’impunité dont ils bénéficient de la part du pouvoir, malgré les discours et déclarations officielles, encouragent les actes criminels de l’OAS.

Une fois de plus, la preuve est faite que les antifascistes ne peuvent compter que sur leurs forces, sur leur union, sur leurs actions. Les organisations soussignées appellent les travailleurs et tous les antifascistes de la région parisienne à proclamer leur indignation, leur volonté de faire échec au fascisme et d’imposer la paix en Algérie. 

Le texte est signé des organisations syndicales CGT, CFTC (avant scission avec la CFDT), UNEF, SGEN, FEN et SNI. Le PCF et JC, le PSU (un petit parti à la gauche du PS) et le Mouvement de la paix sont associés à l’appel.

SFIO et FO ne participent pas au front anti OAS.

Nous sommes à la fin de la guerre d’Algérie les tensions politiques sont extrêmes entre le gouvernement de De Gaulle, le FLN de plus en plus fort et soutenu par le PCF pour aboutir enfin à la libération du peuple algérien, l’OAS, organisation armée secrète d’extrême droite.

Avant de revenir sur ces tensions politiques et leurs conséquences au métro Charonne, à l’heure où certains s’interrogent sur l’avenir et le rôle du PCF, faisons un rappel simple sur son rôle dans le combat anti-colonial. Pour se faire rappelons la 8ème condition de la IIIe internationale communiste : « Sur la question de la colonisation et de l’oppression des peuples, les partis communistes s’engagent à dévoiler impitoyablement ses impérialistes par des actes et pas uniquement des paroles. D’exiger la libération des peuples colonisés et de nourrir aux cœurs des travailleurs un sentiment de fraternité vis-à-vis de populations opprimées comme d’entretenir une agitation constante parmi les troupes de métropoles contre l’oppression coloniale. » D’ailleurs comment oublier l’intervention du camarade HO Chi Min au congrès de Tours appelant le tout nouveau PCF à lutter en Indochine pour la liberté de son peuple. Cette lutte anti coloniale le PCF l’a mené sans relâche dès le début des années 20 contre la guerre du Rif. Plus près de nous, les communistes, les jeunes communistes ont lutté contre la guerre d’Algérie. Par exemple, Ils se sont couchés sous les trains des conscrits qui partaient en Algérie. Les militants du PCf ont impulsé les rassemblements les plus large pour lutter contre le gouvernement Français colonisateur.

Fin 1961, en Algérie, la guerre continue, redouble même. Le FLN ne cède pas. La France s’enlise. Les luttes pour la paix y gagnaient en ampleur, déstabilisant le pouvoir. Dans ces luttes, le PCF a joué le rôle du parti qui dévoile l’oppression du peuple algérien au peuple de la métropole. De Gaulle doit lutter certes contre l’OAS. Mais, il doit aussi frapper fort et faire taire toute velléité de résistance en France pour isoler le FLN dans les négociations en cours en Algérie. Il doit leurrer la droite qui s’inquiète. C’est dans ce contexte que la répression de la manifestation s’organise.

Les organisateurs de la manifestation l’ont prévue courte de 18 h 30 à 19h30 vers la Bastille. Les consignes sont claires ni pancartes, ni banderoles qui pourraient être pris pour des armes. Les slogans :« OAS assassin ! », « Union sans exclusive contre le fascisme », « Paix en Algérie ». On estimera les manifestants à soixante mille répartis en 5 cortèges convergents. 

Un cortège arrive Boulevard Voltaire, rejoint par un second. La manifestation est arrêtée au métro Charonne 100 m avant le barrage de police. Les consignes des organisateurs sont strictes : éviter tout contact avec les forces de l’ordre. Des responsables syndicaux CGT et CFTC, hissés sur des épaules, lisent une déclaration très courte commune. L’ordre de dispersion est donné.

Ayant vu les policiers, Léo Figuères, Guy Ducolonné, Pierre Néron, élus communistes, ceints de leurs écharpes tricolores, vont au-devant des policiers pour leur signifier clairement que l’ordre de dispersion a été donné et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir.

A ce moment précis, André Dupont, secrétaire de la section communiste d’Issy-les-Moulineaux, se trouve à proximité des flics face aux élus. Il raconte (le Travailleur du 17 février) : « C’est alors que j’ai vu et entendu un homme en civil, vêtu d’un pardessus genre » tweed « (peut-être marron clair, il m’a semblé) hurler aux forces de police qui l’accompagnaient : » Ça ne fait rien. On s’en fout, cognez ! ".  L’ordre de la charge est donné.... Nos élus sont matraqués et blessés en particulier Léo Figuière. Et le MASSACRE D’ETAT commence... Il s’agit bien de la responsabilité du gouvernement de De Gaulle au complet.

En effet, si les manifestations sont interdites, celle du 8 févier n’est pas la première à braver l’interdiction et à être sanglante. Il y a celle du 17 octobre où les forces de police massacrent les travailleurs Algériens (des centaines de morts) venus manifester pacifiquement. Ils seront en les jetant à la Seine parce qu’ils voulaient montrer sans violence, simplement, leurs déterminations à voir l’Algérie être Algérienne. La manifestation du 6 décembre à l’appel du PCF, seul, est chargée ! Il y a la grande manifestation du 19 décembre contre l’OAS qui a été très durement réprimée, une répétition générale de celle du 8 février.

Puis après celles de fin 1961 et face aux attentats de l’OAS, un accord tacite semble avoir vu le jour entre les organisateurs de manifestations anti fascistes et le gouvernement, les manifestions de début 1962 et d’avant le 8 février 1962 bien qu’interdites ne sont pas réprimées.

Mais le 8 février tout change : les consignes qui sont données par la préfecture et le gouvernement aux forces de police sont les même que celles du 19 octobre 1961 durement réprimée. Tous les éléments sont en places qui annoncent ce qui va suivre. La consigne est simple : « Il convient de les détecter, d’empêcher leur groupement et de les disperser énergiquement ». En donnant ces consignes, en armant les policiers de bâtons qui seront décrit par les témoins comme des manches de pioche : les bidules (armes non réglementaires) en faisant monter la tension parmi les policiers, en mettant en première ligne des policiers pro OAS. En laissant en réserve et à l’arrière les forces de polices expérimentées. Tous ces critères objectifs concourent comme l’a démontré dans sa thèse de doctorat le fils Alain, de Fanny Dewerpe décédée à Charonne, il s’agit d’un massacre d’état dont les responsables sont au sommet de l’état De Gaulle, Debré son premier ministre, et bien sur le sinistre Papon.

Revenons aux événements du 8 février 1962. Après l’ordre de dispersion de la manifestation à quelques dizaines de mètres du métro Charonne : Les manifestants sont chargés après l’ordre de dispersion jusqu’à l’entrée du métro Charonne. Les grilles du métro n’étaient pas fermées contrairement à ce qui a été dit. C’est la foule qui s’effondre sous les coups. Les hommes et les femmes qui tombent les uns sur les autres. Les corps les uns sur les autres créent l’obstruction. Impossible de s’échapper en allant vers le métro, et impossible de ressortir par le haut, les policiers tabassent en surface, jettent dans la bouche de métro les grilles des arbres, des tables en marbres des cafés. Une débauche de violence, accompagnée de cris de haines des policiers : « Crève donc espèce de chien ! »  « Crève sale chienne » « Mort aux cocos ! »

Les mêmes policiers qui restent insensibles aux cris, aux appels à l’aide : « Au secours !, J’étouffe, aidez-moi, arrêtez, il y a des morts... » Des morts, oui, 8 tout de suite le soir du 8 février, et un neuvième qui agonisera pendant 3 mois et décédera de ses blessures, 9 militants de la CGT, 8 communistes !

- Jean Pierre Bernard, 30 ans dessinateur aux P et T, CGT, communiste, 15e
- Fanny Dewerpe, 31 ans, secrétaire, CGT, communiste
- Daniel Fery apprenti, 15 ans et demi ans CGT,jeune communiste
- Anne Claude Godeau, 24 ans CCP, CGT, communiste, 15e
- Edouard Lemarchand, menuisier, CGT, communiste dirigeant Amboise
- Suzanne Martorell, employée à l’Huma, CGT, communiste, Aubervillier
- Hippolyte Rina, 58 ans, maçon, CGT, communiste
- Maurice Pochard, meurt après 3 mois d’agonie, 48 ans, CGT,communiste
- Raymond Wintegens, 44 ans, typographe, CGT

La population française est largement choquée par ce déchaînement de répression et de violence : entre 500 000 et un million de parisiens assistèrent aux funérailles des victimes le 13 février au cimetière du Père Lachèse dans le carré du Parti.

Ces évènements relèvent-ils uniquement du passé ?

Nous avons posé la question à notre camarade Henri Alleg. La question et surtout la réponse qu’ils nous a faite prend tout son sens au regard de l’actualité et de la phrase de Claude GUEANT « Les civilisations ne sont pas égales ... ». Henri donne la meilleurs des réponses à cette phrase inique ! Que signifie être anticolonialiste aujourd’hui ?

Henri Alleg : « L’anticolonialisme, aujourd’hui, c’est le refus de toute réécriture officielle du passé colonial. C’est le combat contre la soumission de peuples au nom d’idées fausses, comme la prétendue supériorité de telle civilisation sur telle autre. Cela implique de se situer sans restriction du côté des peuples qui luttent pour leur liberté. Sans se laisser berner par des arguments fallacieux visant à justifier, au nom des droits de l’homme, des positions de force des anciens propriétaires de la terre coloniale. On ne peut pas exclure de ce combat la lutte des Palestiniens. C’est aussi un problème colonial. » L’impérialisme est plus que jamais présent dans le monde. Comme l’a dit Lénine : « L’impérialisme, le stade suprême du capitalisme », c’est aujourd’hui !

Plus que jamais les communistes vous appellent à la résistance contre toutes formes de colonialisme et contre l’extrême droite plus que jamais vivaces ! Nous devons avoir tous consciences du courage, de l’engagement militants de ces manifestants anti fascistes et pour la liberté du peuple Algérien. Rendons leur hommage ! Nous ne devons jamais oublier, tous les meurtres d’états commis en toutes impunités (comme ceux de Charonne et ceux du 17 octobre 1961) par des gouvernements au service du capitalisme.

Portfolio

Charonne n'oublions jamais Edouard Lemarchand Le massacre de Charonne 8 février 1962 - 2017 9 militants CGT dont 8 communistes victimes à Charonne