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L’Union Européenne lance son projet de constitution d’un « seul espace ferroviaire européen » qui ouvre la voie à une privatisation totale du rail européen

novembre 2010, par Saint Martin d’Hères

La Commission européenne a lancé son projet de mise en place d’« un seul espace ferroviaire Européen ». Cela placera le modèle de libéralisation des chemins de fer promu par l’Union Européenne sur les rails de la désastreuse privatisation du rail Britannique, a écrit le secrétaire-général du syndicat des cheminots RMT, Alex Gordon, dans le Morning Star.

La commission affirme que sa nouvelle directive est tout simplement une « refonte » du premier pack de libéralisation du rail de l’UE datant de 1991, qui appelait alors à une « séparation verticale » des chemins de fer et des trains.

Pourtant, la Fédération européenne des cheminots déclare que cette soi-disant refonte aura d’énormes conséquences – livrant les chemins de fer au privé et sapant même le droit de grève.

Les chemins de fer sont des monopoles naturels avec une infrastructure spécialisée, des coûts élevés et des perspectives de profits très importants.

Les tentatives pour imiter dans le rail l’introduction de la concurrence expérimentée dans les transports routier, aérien ou maritime sont vouées à l’échec. La seule question est : est-ce que les monopoles, ce qui sera inévitablement le cas en raison de la nature technique des chemins de fer, sont publics ou, comme le conçoit la Commission, doivent-ils être mis au service du capital financier ?

Cette « refonte » est un projet mené par la Commission pour démanteler les chemins de fer publics et les remplacer par des monopoles privés, trans-nationaux profitant des règles de concurrence de l’UE.

Grâce à un renforcement rapide ces dernières années, des grandes entreprises du secteur de la logistique telles que DHL, qui est propriété de l’entreprise privatisée de la Poste allemande, ou l’entreprise publique des Chemins de fer Deutsche Bahn, sont devenues des « champions européens » – insérées dans la compétition mondiale tout en rachetant des chemins de fer dans toute l’Europe.

Casse des monopoles publics et création de « champions européens » : la séparation des activités et la sous-traitance comme préalable à la privatisation

La Commission contribue à cela en rendant la re-nationalisation du rail structurellement complexe et politiquement difficile. Son objectif est de fragmenter les systèmes nationaux du rail garantissant la pérennité de son appropriation privée

Le détail de la directive confirme les mises en gardes réitérées de la part du plus important syndicat des cheminots Britanniques, RMT, pour qui les institutions de l’UE favorisent l’émergence de monopoles échappant à tout contrôle public avec comme objectif stratégique de démanteler les services publics – en renonçant à la propriété publique au nom de la libre concurrence.

Premièrement, la commission mettra en place la gestion séparée des chemins de fer et des trains. La viabilité des « holdings » encouragés par certains Etats, maintenant une même société mère commune avec comptabilité séparée pour éviter une privatisation totale du rail, est ainsi menacée.

La désintégration des chemins de fer publics en France et dans les pays du Bénélux suivra sans aucun doute, puisque la directive interdit aux opérateurs publics d’agir pour des raisons autres que commerciales.

Deuxièmement, la commission propose une nouvelle fragmentation avec des prestations de services « plus flexibles » pour la maintenance, le nettoyage, le ravitaillement et l’aiguillage afin d’étendre la pratique de l’externalisation et de la sous-traitance.

Troisièmement, la commission veut retirer aux gouvernements nationaux l’autorité pour l’attribution des sillons et la fixation des prix, dans une prise de pouvoir sur les chemins de fer nationaux.

De manière plus controversée, la commission veut modifier les pouvoirs dont elle dispose en vertu de la section 290 du Traité de Lisbonne. Les entreprises nationales du secteur du rail ne contrôleront plus la planification des transports, ce qui signifie que la coopération entre les autorités nationales élues et les entreprises ferroviaires est sapée.

La directive ouvre l’accès au marché des infrastructures ferroviaires pour tous les types de transport, tandis que la régulation de la concurrence deviendra la priorité et la régulation de la sécurité ferroviaire perdra toute indépendance.

Quatrièmement, la directive encourage ouvertement le financement privé pour la conception, le développement et l’exploitation des chemins de fer

Cinquièmement, la directive abroge la législation sur la sécurité du personnel, du matériel roulant, des conditions sociales et des droits des travailleurs et des consommateurs, et impose des clauses anti-grèves dans les contrats commerciaux ferroviaires.

Objectivement, depuis 2007, la politique de concurrence de l’UE a contribué au développement des monopoles. L’Allemand Deutsche Bahn (DB Schenker) et la SNCF-Fret Français – entreprises publiques rivales – se sont partagé le gâteau du fret par une série d’acquisitions, supprimant des emplois et des infrastructures au Royaume-uni, et des services de fret par wagons isolés en France. Pour les deux multi-nationales, les acquisitions à l’étranger nourrissent les demandes du capital privé de gagner des parts de marché encore plus importantes.

Une série de catastrophes impliquant des trains de fret « libéralisés » – la pire à Viareggio en Italie le 29 juin 2009 tuant 32 personnes avec une explosion au gaz propane – ont accompagné cette évolution.

Le cas britannique de privatisation : hausse des tarifs et des profits, baisse de la qualité du service et de la sécurité

L’imposition par l’UE de la concurrence dans les services internationaux de transports de passagers, depuis Janvier 2010, a mené à des propositions d’abaisser les normes de sécurité anti-incendies pour les trains de passagers dans le Tunnel sous la Manche afin de faciliter la concurrence avec l’entreprise ferroviaire Eurostar qui utilise des trains Siemens.

Quinze ans de privatisation du rail en Grande-Bretagne ont vu les subventions de l’État être multipliées par quatre, tandis que les profits des monopoles, honnis quand ils était publics, ont explosé avec l’augmentation des tarifs ferroviaires.

Pourtant, le Commissaire au transports, Siim Kallas, un puissant allié des monopoles ferroviaires privés, déclare : « Tout est difficile pour les grandes entreprises, en particulier dans le secteur des chemins de fer. Le rail perd des parts de marché et on remet tout le monde en cause. Cela ne peut pas se passer comme cela. »

L’étude qu’il a soutenu : Etude sur l’ouverture du marché du transport ferroviaire de passagers à la concurrence est une analyse néo-libérale de la privatisation du rail déguisée en étude scientifique.

Sur l’étude de cas Britannique, est affirmé : « Au moment de la Loi sur les chemins de fer de 1993, le principal facteur poussant au changement était la conviction philosophique du gouvernement de l’époque selon laquelle l’entreprise privée était intrinsèquement meilleure que la propriété publique. Oliver Letwin, éminente figure du Parti conservateur, déclarait alors : ’Nous avons une méfiance fondamentale vis-à-vis de l’État administrateur’. »

Et pourtant, une analyse de la politique européenne de la concurrence dans le secteur du rail par l’organisation patronale « Communauté européenne du rail » confirme qu’il n’y a aucune corrélation entre « ouverture du marché » et croissance. La seule corrélation positive que l’étude démontre est entre les niveaux d’investissement public dans les infrastructures ferroviaires et la croissance des niveaux du trafic.

La remise en cause du droit de grève : du Traité de Lisbonne aux directives européennes

Dans ce qui pourrait être la goutte qui fait déborder le vase, la commission remet même en cause le droit fondamental à la grève dans le secteur du rail.

L’Annexe VII de la directive prévoit que les contrats doivent édicter des« règles pour faire face à d’importantes perturbations du trafic dans des situations d’urgence, ce qui comprend un niveau de service minimum en cas de grèves. »

Donc la Commission européenne – institution non-élue – propose des règles contractuelles aux entreprises ferroviaires afin de saper le droit des travailleurs à cesser le travail, un droit constitutionnel dans certains Etats.

Comment cela est-il possible ? Dans le Traité de Lisbnne, les transports étaient définis comme une « compétence partagée », statut où ils côtoient le marché interne, l’agriculture et d’autres domaines où « Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne ».

Les règles et les directives venant de Bruxelles promettant un « seul espace ferroviaire Européen » sont simplement un raccourci vers la privatisation complète du rail et cela serait un désastre pour les chemins de fer d’Europe. Ces projets doivent être mis en échec.

Le syndicat RMT accueillera la conférence internationale des syndicats des transports publics : « L’Avenir des transports publics : nationalisation et non privatisation », à Londres le 31 janvier 2011.