Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
Accueil du site > Notes de lecture et textes historiques > En Hommage à Pablo Neruda, décédé le 23 septembre 1973. « Nouveau chant d’amour (...)

En Hommage à Pablo Neruda, décédé le 23 septembre 1973. « Nouveau chant d’amour à Stalingrad »

septembre 2013, par Saint Martin d’Hères

Nouveau chant d’amour à Stalingrad

Poème de Pablo Neruda composé après la victoire soviétique à Stalingrad, le 2 février 1943

Traduction A.C.

Note du traducteur : Cette traduction n’a pas comme ambition de faire office de traduction littéraire mais plutôt, en suivant au maximum la lettre et l’esprit de Neruda, de fournir une alternative commode à ceux qui ne peuvent lire l’irremplaçable version espagnole citée ci-dessous

J’ai écrit sur le temps et l’eau,

j’ai décrit le deuil et ses reflets violets,

j’ai écrit sur le ciel et sur la pomme,

désormais, j’écris sur Stalingrad

Ma fiancée a déjà emporté ainsi que son foulard

la lueur de mon amour énamouré,

maintenant mon cœur est sur le sol,

dans la fumée et la lumière de Stalingrad.

J’ai touché de mes mains la chemise

du crépuscule azur et défait :

aujourd’hui, je touche l’aube de la vie

naissant sur le sol de Stalingrad.

Je sais que le vieillard à la plume,

provisoirement jeune, comme un cygne délié

laisse éclater sa douleur notoire

devant mon cri d’amour à Stalingrad.

Je place mon âme où il me plaît.

Je ne me nourris pas de papier fatigué

agrémenté d’encre et d’un encrier.

Je suis né pour chanter Stalingrad.

Ma voix était avec tes morts héroïques,

sur tes propres murs broyés,

ma voix sonnait comme sonne le glas,

et le vent en te voyant mourir, Stalingrad.

Or, américains combattants,

blancs et noirs tels des grenadiers

tombent sur le serpent dans le désert,

Tu n’es plus seule, Stalingrad.

La France revient à ses éternelles barricades,

dans une bannière de rage drapant

ses larmes fraîchement séchées.

Tu n’es plus seule, Stalingrad

Et les grands lions d’Angleterre,

volant sur la mer déchaînée,

enfoncent leurs griffes sur la terre brune.

Tu n’es plus seule, Stalingrad.

Aujourd’hui, sous des montagnes de châtiment,

les tiens enterrés ne sont plus seuls :

avec la chair tremblant des morts

qui touchèrent ton front, Stalingrad.

Ton acier bleu d’orgueil forgé,

ta tête de planètes couronnée,

ton bastion de pains partagés,

ta sombre frontière, Stalingrad.

Ta Patrie de marteaux et de lauriers,

le sang sur ta splendeur enneigée,

le regard fixe de Staline sur la neige

tissée par ton sang, Stalingrad.

Les décorations que tes morts

ont placé sur leur poitrine transpercée

viennent de la terre, du frisson

de la mort et de la vie, Stalingrad

La saveur profonde que tu portes encore

au cœur de l’homme blessé,

avec la branche des capitaines rouges

sortis de ton sang, Stalingrad.

L’espoir qui éclot dans les jardins,

comme la fleur de l’arbre attendue,

la page gravée de fusils,

de lettres de lumière, Stalingrad

La tour que tu perçois sur les hauteurs,

les autels de pierre ensanglantés,

les défenseurs de ton âge canonique,

les enfants de ta chair, Stalingrad.

Les aigles ardents de tes pierres,

le métal par ton âme allaité,

les adieux de larmes emplis,

et les vagues de l’amour, Stalingrad.

Les os des assassins meurtris,

les envahisseurs paupières closes,

et les conquérants fuyant,

dans le sillage de ta foudre, Stalingrad.

Ceux qui humilièrent les courbes de l’Arc

et trouèrent les eaux de la Seine,

avec l’assentiment de l’esclave,

se sont arrêtés à Stalingrad.

Ceux qui dans Prague la Belle en larmes,

du silence et de la trahison,

piétinèrent ses mutilés,

sont morts à Stalingrad.

Ceux qui dans l’antre grecque ont craché,

la stalactite de cristal brisée

et son bleu classique estompé,

où sont-ils aujourd’hui, Stalingrad ?

Ceux qui ont brûlé et brisé l’Espagne

gardé dans leurs chaînes le cœur

de cette mère de chênes et de guerriers,

se décomposent à tes pieds, Stalingrad.

Ceux qui en Hollande, eaux et tulipes,

ont éclaboussé de boue sanglante,

et ont répandu le fouet et l’épée,

reposent désormais à Stalingrad.

Ceux qui dans la blanche nuit de Norvège

avec un hurlement de chacal enragé

calcinèrent ce printemps glacé,

se sont tus à Stalingrad.

Honneur à toi par ce que l’air porte,

ce qu’il reste à chanter et ce qui l’a été,

honneur à tes mères et tes fils,

et à tes petit-fils, Stalingrad.

Honneur au combattant de la brume,

honneur au Commissaire et au soldat,

honneur au ciel derrière ta lune,

honneur au sol de Stalingrad.

Garde-moi un bout d’écume violente,

garde-moi un fusil, garde-moi une charrue,

et qu’on les mette sur ma tombe,

avec une fleur rouge de ta terre,

pour qu’on sache, si doute il y a,

que je suis mort en t’aimant et que tu m’as aimé,

et que si je ne me suis pas battu à tes flancs,

j’ai laissé en ton honneur cette obscure grenade,

ce chant d’amour à Stalingrad.

Version espagnole :

Yo escribi sobre el tiempo y sobre el agua,

describí el luto y su metal morado,

yo escribí sobre el cielo y la manzana,

ahora escribo sobre Stalingrado.

Ya la novia guardó con su pañuelo

el rayo de mi amor enamorado,

ahora mi corazón está en el suelo,

en el humo y la luz de Stalingrado.

Yo toqué con mis manos la camisa

del crepúsculo azul y derrotado :

ahora toco el alba de la vida

naciendo con el sol de Stalingrado.

Yo sé que el viejo joven transitorio

de pluma, como un cisne encuadernado,

desencuaderna su dolor notorio

por mi grito de amor a Stalingrado.

Yo pongo el alma mía donde quiero.

Y no me nutro de papel cansado

adobado de tinta y de tintero.

Nací para cantar a Stalingrado.

Mi voz estuvo con tus grandes muertos

contra tus propios muros machacados,

mi voz sonó como campana y viento

mirándote morir, Stalingrado.

Ahora americanos combatientes

blancos y oscuros como los granados,

matan en el desierto a la serpiente.

Ya no estás sola, Stalingtado.

Francia vuelve a las viejas barricadas

con pabellón de furia enarbolado

sobre las lágrimas recién secadas.

Ya no estás sola, Stalingrado.

Y los grandes leones de Inglaterra

volando sobre el mar huracanado

clavan las garras en la parda tierra.

Ya no estás sola, Stalingrado.

Hoy bajo tus montañas de escarmiento

no sólo están los tuyos enterrados :

temblando está la carne de los muertos

que tocaron tu frente, Stalingrado.

Tu acero azul de orgullo construido,

tu pelo de planetas coronados,

tu baluarte de panes divididos,

tu frontera sombría, Stalingrado.

Tu Patria de martillos y laureles,

la sangre sobre tu esplendor nevado,

la mirada de Stalin a la nieve

tejida con tu sangre, Stalingrado.

Las condecoraciones que tus muertos

han puesto sobre el pecho traspasado

de la tierra, y el estremecimiento

de la muerte y la vida, Stalingrado

La sal profunda que de nuevo traes

al corazón del hombre acongojado

con la rama de rojos capitanes

salidos de tu sangre, Stalingrado.

La esperanza que rompe en los jardines

como la flor del árbol esperado,

la página grabada de fusiles,

las letras de la luz, Stalingrado.

La torre que concibes en la altura,

los altares de piedra ensangrentados,

los defensores de tu edad madura,

los hijos de tu piel, Stalingrado.

Las águilas ardientes de tus piedras,

los metales por tu alma amamantados,

los adioses de lágrimas inmensas

y las olas de amor, Stalingrado.

Los huesos de asesinos malheridos,

los invasores párpados cerrados,

y los conquistadores fugitivos

detrás de tu centella, Stalingrado.

Los que humillaron la curva del Arco

y las aguas del Sena han taladrado

con el consentimiento del esclavo,

se detuvieron en Stalingrado.

Los que Praga la Bella sobre lágrimas,

sobre lo enmudecido y traicionado,

pasaron pisoteando sus heridas,

murieron en Stalingrado.

Los que en la gruta griega han escupido,

la estalactita de cristal truncado

y su clásico azul enrarecido,

ahora dónde están, Stalingrado ?

Los que España quemaron y rompieron

dejando el corazón encadenado

de esa madre de encinos y guerreros,

se pudren a tus pies, Stalingrado.

Los que en Holanda, tulipanes y agua

salpicaron de lodo ensangrentado

y esparcieron el látigo y la espada,

ahora duermen en Stalingrado.

Los que en la noche blanca de Noruega

con un aullido de chacal soltado

quemaron esa helada primavera,

enmudecieron en Stalingrado.

Honor a ti por lo que el aire trae,

lo que se ha de cantar y lo cantado,

honor para tus madres y tus hijos

y tus nietos, Stalingrado.

Honor al combatiente de la bruma,

honor al Comisario y al soldado,

honor al cielo detrás de tu luna,

honor al sol de Stalingrado.

Guárdame un trozo de violenta espuma,

guárdame un rifle, guárdame un arado,

y que lo pongan en mi sepultura

con una espiga roja de tu estado,

para que sepan, si hay alguna duda,

que he muerto amándote y que me has amado,

y si no he combatido en tu cintura

dejo en tu honor esta granada oscura,

este canto de amor a Stalingrado.