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L’Italie après les élections régionales : droitisation du pays, une opposition qui ne s’oppose pas, les communistes marginalisés… Le bilan de 20 ans de liquidation communiste s’approfondit

avril 2010, par Saint Martin d’Hères

On votait en Italie les 28 et 29 mars 2010 dans 13 régions sur 20. La droite au pouvoir a fait mieux que résister. Elle conquiert 4 régions : la Calabre, la Campanie (Naples), le Piémont et le Latium (Rome), tout en conservant la Lombardie et la Vénétie. La Gauche conserve 7 régions, plus petites, dont l’Emilie-Romagne, la Toscane et les Pouilles.

Le mécontentement social, marqué par de nombreuses et massives manifestations, ne s’est pas traduit par un vote sanction contre le gouvernement de Berlusconi.

Certes l’abstention progresse de 8% et atteint 37%, un record dans un pays où le vote était encore obligatoire il y a peu. Mais elle ne profite pas à la gauche.

Les régionales montrent une nouvelle étape dans la droitisation de l’Italie.

C’est déjà perceptible dans l’atmosphère entourant le débat public. La nouvelle présidente de région du Latium, Renata Polverini, ancienne syndicaliste jaune (UGL) et candidate du parti de Berlusconi, surnommée par la presse « le panzer » (sic) fête sa victoire par un salut fasciste. La ligue du Nord réclame la mairie de Milan et son leader Bossi nargue la gauche : « Ils vont encore se demander pourquoi les ouvriers ne votent pas pour eux ! ».

Mais on doit prêter attention aussi au rééquilibrage et à la restructuration sociale qui s’opèrent au sein de la droite.

Le parti de Berlusconi, le Peuple de la Liberté (PdL), arrive en tête avec 26,7%. Mais il est en recul, tant en chiffres relatifs (- 9% par rapport aux européennes de 2009/ - 11% par rapport aux législatives de 2008) qu’en chiffres absolus (1 million de voix en moins par rapport aux régionales de 2005).

La Ligue du Nord est le seul véritable gagnant du scrutin. Sur les 13 régions, elle progresse de 5,7% à 12,3% entre 2005 et 2010 et gagne 1,5 million de voix malgré l’abstention.

Dans le Nord du pays, elle arrive largement en tête en Vénétie (35,15%), doublant son nombre de voix, et remporte la région. Elle talonne le PdL en Lombardie (26,20%). Elle devient la troisième force dans le Piémont (16,74%).

Elle atteint aussi 13,67% dans l’Emilie-Romagne « rouge » (centre).

La progression de la Ligue du Nord a été décisive pour que la droite gagne le Piémont et asseye son hégémonie en Vénétie et en Lombardie, trois régions économiques clés.

Cette progression de la Ligue à droite invite à se défaire de l’analyse simpliste de l’hégémonie de la droite en Italie comme simple effet de sa mainmise sur les média. La force de la Ligue du Nord (et dans une moindre mesure de Berlusconi et de son PdL) est d’avoir constitué un « bloc social inter-classiste », réunissant le patronat, d’abord le petit patronat, les artisans et des franges importantes de la population ouvrière dans un même projet de société : un projet anti-Étatique, anti-centraliste, anti-européen (depuis peu car la Ligue était la plus européiste des formations italiennes – Europe des régions oblige), anti-libéral et xénophobe.

Paradoxalement, la Ligue du Nord est la seule formation italienne à analyser la société en termes de classe et d’alliances de classe.

Faiblesse de la gauche : délibérée ?

Malgré le résultat des élections, Berlusconi est en difficulté dans la bataille des idées. Des oppositions importantes se manifestent devant l’intensité et le degré des attaques du gouvernement contre le monde du travail (dernière acte en date : la remise en cause des conventions collectives), contre la démocratie et la Constitution elle-même.

On pouvait penser que la « gauche » parlementaire, représentée par le Parti Démocrate, avait un boulevard devant elle pour ces élections.

A défaut de s’être effondrée, elle s’est affaissée : 27% des voix soit 5 points et 2 millions de voix en moins qu’en 2005.

La « gauche » s’est gardée d’aborder les sujets de fond dans la campagne, quitte à alimenter l’abstention des couches populaires. Elle a fait attention à ne pas rendre trop visible l’étendue du consensus qui la lie au pouvoir de Berlusconi.

Où est l’opposition en effet du PD sur les sujets suivants :

• Le travail ? La fameuse Loi 30 (2003) généralisant la précarité s’appuyait sur le consensus DS (démocrates de gauche, prédécesseurs des Pd)/Forza Italia à l’époque et a été pérennisée par le gouvernement Prodi.

• Les privatisations ? A titre d’exemple, faut-il rappeler que Bersani, actuel leader du Pd, a présidé l’ouverture du capital de l’ENEL (L’EDF italien) en 1999 (sous le gouvernement d’Alema) ?

• Le bouclier fiscal ? Au moment du vote du bouclier fiscal en octobre 2009, 22 députés Pd se sont mystérieusement volatilisés du Parlement, permettant l’adoption du projet de loi à 270 voix pour et 250 contre.

• Les institutions ? La fin de la Première République historique en 1993-1994 n’a pu être possible que grâce à l’appareil du PDS (ex-PCI), la remise en cause de la Constitution et des institutions par Berlusconi et la Droite bénéficie de la complicité de l’appareil actuel du Pd malgré les objections timides du Président de la République, Giorgio Napolitano.

• L’Europe ? Entre le parti de l’ex-président de la Commission européenne Romano Prodi et la droite, l’identité de vues est quasi parfaite.

• La politique étrangère ? Entre Massimo D’Alema qui a participé activement à la guerre en Yougoslavie et Silvio Berlusconi qui engage les troupes italiennes en Irak, il n’y a pas ’l’épaisseur d’un papier à cigarette’.

Qui finit par incarner l’opposition sur ses questions ?

• L’extrême-droite surtout la Ligue du Nord sur l’Europe mais aussi sur le travail ! Ainsi, ironiquement c’est vers le ministre de l’Economie proche de la Ligue, Giulio Tremonti, qu’il fallait se tourner fin 2009 pour trouver une critique ferme de la droite berlusconienne sur la précarisation du travail, et un éloge tout hypocrite de la stabilité de l’emploi.

• Des « personnalités » de gauche comme le juge Antonio di Pietro (le juge de l’opération « Mani Pulite » du début des années 1990 – figure de probité, perçu comme garant des institutions) ou encore l’humoriste Beppe Grillo, proche du Pd, qui avait préparé son entrée en politique avec une critique acerbe des conséquences de la précarité sur les travailleurs italiens (avec son livre Esclaves Modernes) ont créé leurs partis. Proposant une analyse critique de la société – même limitée – , ils atteignent 8,7% (L’Italie des Valeurs de Di Pietro) et 1,7% (le Mouvement 5 étoiles de Grillo).

Alors que le capital parvient à canaliser le vote des travailleurs en colère vers des voies de garage, le Pd continue sa fuite en avant vers le centre.

Rappelons que le Pd est principalement issu de l’ancien appareil du PCI, recyclé en Pds puis Ds (démocrates de gauche), avant de fusionner avec une frange de la Démocratie chrétienne dans un Parti démocrate à référence américaine.

Désormais, le Pd lorgne vers le Centre, et vers l’Union de la Démocratie Chrétienne, refondée par Casini (5-6%) et se préoccupe de primaires pour 2012.

Une sorte de « compromis historique » du pauvre, qui fermerait par la petite porte 20 ans de liquidation du communisme en Italie.

Les communistes en péril d’extinction, à quand le bilan de la liquidation perpétuelle du communisme en Italie ?

Les deux partis, qui ont conservé une référence communiste, la Parti de la refondation communiste (PRC) et le Parti des communistes italiens (PdCI) enregistrent un résultat en forme de déconfiture. Ils ont fait le choix de se présenter ensemble sous la bannière d’une coalition (avec des organisations anecdotiques) dénommée « Fédération de la gauche ».

Cette dernière atteint péniblement 2,8% des voix, le plus bas historique des organisations communistes en Italie.

En 2005, le PRC avait obtenu 5,6% et le PdCI 2,6%. Le recul est de 1,3 million de voix. Même sur les européennes de 2009, le recul est de 300.000 voix sur la liste PRC-PdCI.

Les communistes sous l’étiquette Fédération de Gauche ne dépassent la barre des 5% qu’en Toscane (5,3%) et en Ombrie (6,9%). Ailleurs, leur score ne dépasse pas les 4%, même dans les Marches ou en Ligurie (3,9%). Dans des régions industrielles à tradition communiste, les communistes tombent dans l’insignifiance électorale : en Lombardie (2%), en Vénétie (1,6%), dans le Piémont (2,6%), dans le Latium (2,7%), en Emilie-Romagne (2,8%).

Dans le Sud, le parti survit dans les Pouilles (3,3%) ou se maintient sous assistance respiratoire en Campanie (1,6%) : humiliation suprême pour le secrétaire général du PRC Paolo Ferrero qui se présentait justement dans cette dernière région et y obtient le plus faible score de toutes les listes communistes/Fédération de gauche.

A nouveau, les communistes italiens sont contraints à un débat existentiel, l’échec électoral reflétant les orientations toujours hésitantes de leurs organisations.

Pour ces régionales, les deux partis ont décidé de mettre en retrait leur identité communiste derrière une notion de « fédération de gauche » (incluant une « gauche européenne »). On peut imaginer que des électeurs communistes ne s’y sont pas retrouvés.

Dans 11 régions sur 13, ils ont choisi de s’apparenter avec le Pd dans des « blocs » à vocation majoritaire. Cela a permis de sauver quelques sièges mais au prix d’une confusion avec les compromissions du Pd.

L’échec aux régionales fait ainsi écho à la débâcle de l’Arc-en-ciel aux législatives de 2008. Cette coalition, à l’initiative de Fausto Bertinotti, alors secrétaire du PRC, diluait les partis communistes dans un ensemble mêlant des écologistes et un courant de « gauche » du Pd dans une stratégie prévoyant le ralliement au Pd. Résultat : 3% contre 12% aux législatives précédentes (pour ces partis séparément) et l’exclusion pour la première fois depuis le fascisme des communistes du Parlement.

Pourtant l’expérience de l’Arc-en-ciel et la ligne stratégique qui y a conduit ont été récusées au congrès du PRC de juillet 2008. Les dirigeants sortants Bertinotti et Vendola ont dû alors céder la main. Une partie de l’appareil liquidateur a quitté le parti et rejoint Vendola pour fonder « Gauche et Liberté » (aujourd’hui « Gauche, Ecologie et Liberté »).

Une ligne de réaffirmation des positions communistes, notamment dans les entreprises, a été adoptée et une nouvelle direction élue.

Mais ce nouveau cours de renaissance communiste n’a pas été pas poursuivi de façon conséquente. Rapidement, la nouvelle direction du PRC, menée par Paolo Ferrero, a réintégré en son sein des partisans de la ligne antérieure. En juillet 2009, elle a choisi de lancer la « Fédération de la Gauche », à mi-chemin entre une alliance électorale et une nouvelle organisation parallèle aux partis communistes et destinée à les dépasser. Un peu comme l’Arc-en-Ciel mais en partant de plus bas encore.

Après le nouvel échec des régionales, deux lignes vont s’affronter à nouveau.

Malgré le désaveu, certains dirigeants entendent déjà poursuivre, dans la voie de la recomposition politique, la constitution d’un pôle de gauche, à la fois autonome du Pd mais lié à lui, en continuant à effacer le caractère communiste de leurs organisations. Est déjà avancée l’idée de se regrouper, toujours dans une sorte de « fédération », de « Front », avec les liquidateurs du PRC d’hier et leur nouveau Parti « Gauche écologie et liberté » (Ces derniers ont obtenu 3,2% et Vendola a été reconduit comme président des Pouilles à la tête de la coalition animée par le Pd).

De nombreux communistes, comme au congrès de 2008, appellent au contraire à une véritable reconstruction d’un Parti communiste. Le courant « Ernesto » du PRC porte ce point de vue comme une partie de la direction du PdCI.

Au-delà du maintien et du retour aux symboles, le nom, l’emblème de la faucille et du marteau, il s’agit aussi de sortir du minestrone idéologique, de remettre l’accent sur l’organisation communiste.

Les résultats électoraux montrent que l’effacement de l’identité communiste ne paie pas. L’audience électorale des communistes semble proportionnelle au maintien de l’identité, des symboles et du nom communiste.

Ce que représente le PCI en Italie n’est pas mort.

Mais le problème va au-delà des combinaisons électorales. Le manque est criant d’une d’une force politique ouvrière, orientée vers la lutte, organisée et enracinée dans les quartiers et les entreprises, d’une force politique républicaine, laïque, démocratique face à l’agonie de la démocratie italienne.

Ce qui manque en Italie, c’est un véritable Parti Communiste Italien, tel qu’il a pu exister avant 1991. Le Parti de la « refondation » communiste n’a pas cherché, sous Bertinotti, à refonder le PCI. Bertinotti ou Vendola sont arrivés aujourd’hui au bout du « dépassement des partis ».

La nouvelle direction du PRC, celle du PdCI vont-elles à leur tour se p erdre dans des calculs politiciens et une vision électoraliste à court terme ?

Les communistes conscients de cette réalité se battent pour l’unité des communistes. Ils doivent réussir, sinon le risque, c’est l’extinction du mouvement communiste organisé en Italie, pour le plus grand préjudice des travailleurs et de la démocratie elle-même

P.-S.

Voir le site de la revue communiste italienne : « L’ernesto » http://lernesto.it/